14. et pour finir... une surprise !
Le droit en général, tout le monde l’a compris, a une fonction essentiellement utilitaire : permettre aux hommes de vivre en société sans que les rapports entre eux ne soient trop commandés par la force, la violence.
C’est ainsi qu’il définit les droits et les devoirs de chacun envers les autres, droits et devoirs étant en situation de réciprocité pour apparaître comme des contreparties les uns des autres ; c’est même cette contrepartie qui leur confère leur légitimité.
De surcroît, le droit se révèle parfois déséquilibré pour essayer de redresser le jeu inégal qui s’impose naturellement entre individus inégalement pourvus. C’est pourquoi, dans les relations entre, par exemple, bailleurs et locataires, employeurs et salariés, le droit paraît chercher à rééquilibrer, un peu du moins, l’inégalité économique des parties en présence.
Mais, en droit fiscal, c’est tout le contraire ! C’est la partie déjà économiquement dominante, c’est-à-dire l’État, qu’avantagent les textes de procédure, au nom sans doute de la lutte légitime contre la fraude et donc au bénéfice de l’intérêt général. Il n’en demeure pas moins que l’impression subsiste : c’est bien la « lutte du pot de terre contre le pot de fer ».
La formule de Max Weber - « l'État a le monopole de la violence légitime » - n'a jamais été ainsi aussi vraie… Surtout si l'on songe à ce qu'il est convenu d'appeler en France le « privilège du préalable »…
Quoi qu’il en soit, au-delà des débats juridiques qui entretiennent les contentieux, au-delà des arguties juridiques – c‘est du moins ainsi que le vivent les profanes – qui opposent, par le truchement de professionnels, les parties dans un langage parfois bien abscons, ce sont des intérêts qui sont en jeu, et des gens qui souffrent pour obtenir la reconnaissance, précisément, de leurs droits.
C’est cette dimension humaine qu’il ne faut jamais perdre de vue, par delà la complexité de certaines situations, à résoudre au surplus au moyen de textes trop souvent incompréhensibles à la première lecture, même pour un praticien !
« Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement, et les mots pour le dire arrivent aisément », écrivait Boileau dans L’Art poétique : maxime dont le pouvoir législatif, dans l’élaboration des lois, serait bien inspiré de faire sienne plus souvent, comme le pouvoir réglementaire le serait aussi dans celle des décrets et arrêtés, de même que les magistrats dans la rédaction de leurs décisions.
Pour terminer, illustrons d’une photographie – c’est la surprise ! – notre propos : toujours garder présente à l’esprit la dimension humaine des dossiers.
Cette photographie montre le site du bac d’Éloka, qui permet de traverser la lagune non loin de Grand-Bassam, à l’est d’Abidjan, en Côte d’Ivoire.
Un site particulièrement calme et apaisant, à regarder la photographie, et pourtant lieu d’un drame : en 1920, le bac coule, provoquant la noyade d’un passager et la perte de matériels et marchandises. La question s’est alors posée de savoir quel juge serait compétent pour connaître de la demande en indemnisation des victimes. Dans un arrêt célèbre du 22 janvier 1921, le Tribunal des conflits tranche et définit à cette occasion la notion de service public industriel et commercial (« S.P.I.C. »), par opposition à celle de service public administratif (« S.P.A. »), d’où le retentissement de cette jurisprudence.
Mais quel étudiant en droit, quel commentateur, quel praticien, réalise encore qu’au-delà de la définition du S.P.I.C. et du S.P.A. il y a d’abord eu un grave accident qui coûta la vie à un être humain ?
Aux lecteurs, visiteurs de ce site, un grand merci pour leur attention.
Vérifier, avant toute prise de contact, auprès de l’Ordre des Avocats, si la spécialité en droit fiscal, s’agissant d’une matière très technique, ou toute autre spécialité d’ailleurs, a bien été reconnue à l’avocat qui s’en réclame : hélas, quelques uns s’en prévalent sans l’avoir…